Dans son ouvrage L’Architecture de la période stalinienne, Anatole Kopp soulevait la question suivante: «Pourquoi et à la suite de quelles circonstances l’architecture soviétique toute entière s’est alignée sur un modèle unique?» Le présent ouvrage, qui a pour objet central l’étude du plan de reconstruction de Moscou de 1935, remet en cause l’existence de ce modèle unique. Il rompt avec l’écriture de l’histoire architecturale russe et soviétique à travers l’unique prisme de ruptures et met en évidence les nombreuses formes de permanences, matérielles et humaines, ainsi que des approches pragmatiques du projet de la part des décideurs politiques, en premier lieu Staline et Kaganovitch. Dans quelle mesure la production architecturale et urbaine de la Russie soviétique s’inscrit-elle dans la continuité des formes, des idées et des pratiques héritées de la Russie tsariste? Sous quelles formes les changements politiques, sociaux, économiques et juridiques se sont-ils traduits dans les projets des nouveaux modes de vies et d’occupation du territoire? Quelles ont été les répercussions formelles de l’abolition de la propriété privée du sol et des biens immobiliers? Comment s’est mis en place le changement de paradigme avec l’injonction de l’évaluation critique de l’héritage classique et quels en furent les principaux acteurs? Dans quelle mesure les décalages entre ce qui avait été prévu et ce qui a été réalisé renseignent sur l’existence des processus d’arrangement avec les structures héritées? Un intérêt particulier est également porté aux acteurs. En examinant les relations des architectes entre eux, la traditionnelle opposition entre les «classiques» et les «modernes» laisse la place à la reconnaissance de l’importance des choix et des parcours individuels, des sympathies et antipathies humaines. Les relations entre le décideur politique et l’architecte sont observées en évaluant leurs rôles respectifs dans les choix esthétiques et les prises de décision. Sans remettre en cause les velléités du pouvoir absolu du décideur politique, l’ouvrage pose les limites de son contrôle. Si le pouvoir politique aspirait à être omniscient, il ne pouvait en effet être omniprésent. Au-delà de ce cas particulier d’étude, cet ouvrage soulève la question plus générale du comment écrire l’histoire de l’urbanisme et de l’architecture en rapport avec le politique, dans un contexte où ce dernier exerce un contrôle étendu sur la production.
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