La récente consultation pour le réaménagement du quartier des Halles s’est terminée en queue de poisson, par une décision du maire sans commune mesure avec les enjeux du lieu, prise sous la pression des groupes d’intérêt politiques et financiers en présence. La Campagne des Halles retrace les étapes de cette aventure, en la replaçant dans le cadre général de l’architecture française actuelle, et en insistant sur l’imbroglio politique qui, entre autres, a conduit à l’échec présent.
Le déroulement de la consultation, la sélection des candidats, les quatre propositions, les réactions qu’elles ont suscitées, la nature du projet lauréat sont analysés comme autant de symptômes du vide de la politique et de la culture municipales en matière d’urbanisme. Françoise Fromonot démonte le caractère d’alibi de la « démocratie participative » et l’incapacité chronique des architectes français et de la critique à nourrir un débat par-delà les conflits d’intérêts et les querelles de styles. Ce qui ressort finalement sur tous ces points, c’est la continuité de la politique urbaine de Bertrand Delanoë avec celle de ses prédécesseurs.
Les positions défendues dans ce livre sont à la fois dissensuelles et fortement étayées par une recherche longue et attentive. L’intérêt du sujet déborde même « le cœur de Paris » : la nouvelle affaire des Halles jette un éclairage aussi instructif que cruel sur les mécanismes et les raisons qui façonnent aujourd’hui la forme d’une ville.
« Un fiasco doublé d’un vrai faux débat entre « séisme » à la Koolhas et « jardin » à la française, une polémique qui a enflé tout l’année 2004 autour de la consultation (mal) organisée pour rénover les Halles, déjà traumatisées il y a vingt-cinq ans par un certain Chirac… Le petit livre enlevé de l’architecte et critique Françoise Fromonot revient sur l’un des plus beaux gâchis de la mandature Delanoë. L’auteur y dresse le tableau à charge des « malheurs de Paris », n’épargnant ni la lâcheté des politiques, largement incapables de trancher (« finalement Bertrand Delanoë a du génie pour nous donner le regret (…) de la politique de Georges Pompidou à Paris »), ni les associations de riverains accaparant le débat (alors que 800 000 banlieusards transitent quotidiennement par le nœud des Halles), et encore moins le projet lauréat de David Magin, « composition simpliste, dans ‘l’esprit beaux-arts’, farcie de références extraites de leur contexte, qui nie la réalité de ce qu’elle recouvre et continue de prétendre que rien n’est arrivé ».
(…) Plus qu’utile pour comprendre la « culture de routine » qui prévaut dans l’urbanisme parisien. »
Libération, mardi 29 novembre 2005, Annick Rivoire.