radicalités
Les jeudis 13 et 20 novembre ainsi que le lundi 1er décembre 2025 à 19h, amphithéâtre Bernard Huet.
Ce cycle de conférences les Causeries de novembre conçu et animé par Françoise Fromonot, professeure en TPCAU est organisé en partenariat avec la Fondation Sto-Stiftung. Un cycle pour questionner, débattre et imaginer ensemble d’autres façons de penser et de pratiquer l’architecture.
Radicalités
Que signifie aujourd’hui être radical pour un.e architecte ? Quel sens peuvent encore revêtir les termes d’avant-garde, de rupture, d’émancipation ? Ces revendications sont indissociables d’une modernité historique dont les fondamentaux – progrès, croissance, universalisme… – sont aujourd’hui fortement remis en cause à partir du constat de leurs effets collatéraux délétères. Comment l’architecture peut-elle encore contribuer à dessiner, par la pratique et dans l’enseignement, des projets de société qui se démarqueraient du business as usual ?
Dans son cycle de conférences d’automne, l’Énsa-PB propose d’entendre trois architectes qui abordent ces questions par l’action.
Dans le sud du Maroc, Salima Naji développe une réflexion et une activité tournées vers la remise à flot matérielle, fonctionnelle et symbolique d’un patrimoine commun oublié.
Installés dans le Vercors, Marie et Keith Zawistowski tentent de faire vivre, avec leur agence onSITE et leur pédagogie designbuildLAB à l’Ensa de Grenoble, les leçons de Rural Studio qui les ont formés comme « architectes citoyens ».
L’architecte israélien Eyal Weizman et son groupe de recherche multidisciplinaire Forensic Architecture, basés à Londres, s’attachent à dévoiler les ressorts occultes des conflits planétaires en cours, une entreprise politique qui renouvelle entre autres les méthodes et le sens de la cartographie territoriale.
Programme
le 13 novembre : Salima Naji (Maroc)
Architecture du bien commun : Éthique pour la préservation des vivants
Défendre une architecture du bien commun signifie interroger l’objet architectural en privilégiant les conditions sociales de son édification, l’usage, l’attachement aux lieux ou encore les pratiques spatiales qui lui sont spécifiques. À ce titre, les communautés de l’Atlas et du Sahara marocains représentent une source d’inspiration pour une réflexion sur la durabilité des constructions contemporaines. Dans les oasis, les greniers collectifs, incarnations du bien commun, c’est le savoir faire de solidarités historiques qui se manifeste. Témoin de la capacité humaine à constituer un environnement viable malgré des contraintes climatiques extrêmes, l’architecture y est pensée tel un objet intégré à son environnement, où se lient étroitement agriculture et construction autour de la pierre, de la terre et des végétaux les plus résistants.
L’approche sociale, tant du patrimoine bâti que des techniques revisitées pour le contemporain, pose une éthique, celle de la préservation des écosystèmes où l’architecte vient interroger le capital de résilience des architectures du Sud marocain : une dynamique constante d’adaptation qu’il faut réactiver pour sortir des logiques globales et nocives, dont l’omniprésence actuelle du béton est sans doute l’expression la plus évidente.
Salima Naji défend une architecture à dimension humaine, innovante et respectueuse des écosystèmes. Architecte DPLG (École nationale supérieure d’architecture de Paris-La-Villette), elle ancre l’architecture dans la matérialité des territoires, pour de grands projets portés par le gouvernement marocain, comme la revitalisation du Ksar d’Assa (2005-2011) ou encore la régénération de la forteresse d’Agadir (2017-2022), ou pour des projets plus modestes conçus avec les communautés. Sa thèse de doctorat en anthropologie sociale (École des hautes études en sciences sociales à Paris) a pour objet une réflexion sur l’héritage de l’institution des greniers collectifs et vient compléter une formation en Arts, Esthétique et technologies de l’image à Paris 8.
Experte terre crue à l’international, Salima Naji est engagée dans de nombreux projets de protection du patrimoine oasien. Sa pratique est doublée d’une activité scientifique dans de nombreux programmes de recherche-action internationaux qui interrogent la durabilité et la relation profonde entre les sociétés et leur environnement. Elle est membre du comité scientifique du Musée berbère du Jardin Majorelle depuis sa création en 2011 dont elle a notamment conduit la section d’architecture mais également, tout récemment, le commissariat au MUCEM de Marseille avec une exposition de synthèse intitulée Amazighes.
Elle a reçu en 2017 l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres de la République française pour l’ensemble de son parcours qui ne dissocie pas la recherche de l’action, le Global Award for sustainable architecture en 2025 (Venise) ; la Grande médaille d’or de l’Académie d’Architecture de France en 2024 (Paris) ; le Prix européen d’architecture Philippe Rotthier (Mention renouveau des techniques vernaculaires, Bruxelles).
Son ouvrage, Architecture du bien commun (Éthique pour une préservation), Métis Presses, retrace le parcours sur ces 20 dernières années d’engagement sur le terrain.
le 20 novembre : Marie et Keith Zawistowski / onSITE Architecture (Vercors)
Keith Zawistowski, RA, NCARB, GC
Marie Zawistowski, Architecte DPLG
Associés, onSITE Architecture
Co-Fondateurs, design/buildLAB
Enseignants-Chercheurs ENSAG/UGA, UR AE&CC, équipe CRAterre
Marie et Keith Zawistowski se sont rencontrés au Rural Studio de l’université d’Auburn en 2001, où ils ont travaillé ensemble avec l’architecte Sambo Mockbee dont ils sont les derniers étudiants, à la conception et à la construction d’une maison caritative pour Lucy Harris et sa famille, la célèbre Lucy « Carpet » House.
Leur atelier onSITE a remporté le prix AJAP en 2014, a été lauréat du prestigieux « Prix Françoise Abella » de l’Académie des Beaux-Arts de France, et la qualité architecturale de leurs projets fait l’objet d’une reconnaissance nationale et internationale depuis vingt ans.
Ils sont actuellement enseignants-chercheurs titulaires à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble, où ils codirigent le designbuildLAB au sein du parcours de master AE&CC. Leurs efforts conjoints en matière d’enseignement ont été récompensés par de nombreux prix, notamment le « Grand Prix pour l’intégration créative de la pratique et de l’enseignement dans l’académie » du Conseil national de l’ordres des architectes américain, et le premier « Prix de l’enseignement design/build» de l’Association des écoles d’architecture universitaires pour les « meilleures pratiques dans l’enseignement de la design/build ».
Dans le domaine de la recherche, Marie et Keith sont membres de l’équipe CRAterre au sein de l’unité de recherche Architecture, Environnement et Cultures Constructives. Outre leurs nombreuses contributions à des ouvrages et articles publiés dans des revues à comité de lecture, Marie et Keith font partie des cofondateurs et copilotes du réseau « ExpLearn », et ont coorganisé deux symposiums internationaux sur l’apprentissage expérientiel.
Public Interest Design a classé Marie et Keith parmi les « 100 personnes et équipes les plus influentes à la croisée du design et de l’intérêt public». Ils viennent d’être nommés lauréats du « 2025 Global Award for Sustainable Architecture », décerné sous le patronage de l’UNESCO à la Biennale de Venise.
le 1er décembre : Eyal Weizman / Forensic Architecture (Londres)
Eyal Weizman est le fondateur et directeur de Forensic Architecture et professeur de cultures spatiales et visuelles à Goldsmiths, Université de Londres, où il a fondé en 2005 le Centre for Research Architecture. En 2007, avec Sandi Hilal et Alessandro Petti, il a créé le collectif architectural DAAR à Beit Sahour/Palestine.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Hollow Land, The Least of all Possible Evils, Investigative Aesthetics, The Roundabout Revolutions, The Conflict Shoreline, FORENSIS et Forensic Architecture: Violence at the Threshold of Detectability.
En 2019, il a été élu membre à vie de la British Academy. En 2020, il a reçu le titre de MBE pour « services rendus à l’architecture ». Il a reçu le London Design Award (2021) et le Mark Cousins Theory Award (2024). Forensic Architecture a reçu le Right Livelihood Award, un Peabody Award pour les médias interactifs, le European Cultural Foundation Award for Culture et le RIBA Charles Jencks Award.
Eyal a obtenu un diplôme d’architecture à l’Architectural Association en 1998 et a obtenu son doctorat en 2006 au London Consortium de l’université Birkbeck de Londres.